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Hélène Rigny: « Je me réfère d’avantage aux photographes allemands tels que Candida Höfer »

Benjamin Remon. —Hélène Rigny après notre 1er reportage à Paris, vous êtes maintenant une artiste Berlinoise, racontez-nous cette évolution ?

Hélène Rigny — J’ai quitté Paris il y a quelques années afin de revenir à Berlin, ville qui me semble incontournable par la possibilité qu’elle offre de s’y sentir libre, et d’y retrouver mes propres racines.

Dans certains articles, vous êtes décrite comme une Berlinoise d’adoption, racontez-nous votre rencontre avec Berlin ?

Ma première recontre avec Berlin a eu lieu il y a 17 ans, tout au début de sa reconstruction, à l’occasion d’une exposition Sigmar Polke. Une atmosphère unique liée à l’histoire si présente et l’espace si vaste m’avait impressionnée. J’y ai redécouvert cette même impression d’espace quelques années ensuite, précisémment sur la Karl Marx Allée, près d’Alexander Platz.

Berlin est une ville qui me semblait infinie à découvrir, de par son incroyable scénographie urbaine et lieux à l’abandon. Ce visage change depuis quelques temps. L’architecture moderne y crée des paysages et des perspectives dont je ne me lasse à aucun instant. Marcher à Berlin, c’est une épopée à chaque nouveau trajet.

Vous allez présenter une exposition intitulée « Ciel de Berlin – Höhenflug», pouvez-vous nous raconter cette exposition qui aura lieu à partir du 5 novembre à Berlin et l’histoire du lieu où elle est présentée?

Il s’agit d’une série de photographies argentiques Noir et Blanc, dont je réalise chaque tirages sur Papier Baryté. Cinq grands formats et deux séries composent l’exposition à l’occasion de cet évènement. Elle présente un danseur performant dans les hauteurs d’édifices de Berlin-Est, loin du chaos et bruits urbains. Il s’y exprime naturellement et retrouve par moment son équilibre hors des repères habituels. De l’architecture ne reste que le dessin lointain d’espaces urbains, un second plan, un voile de fond, parfois une perspective.

Au-delà d’une représentation poétique du corps dans la ville, ce projet prélude la quête d’un espace de liberté au-delà des frontières l’architecture. Fruit d’une collaboration avec un jeune artiste Berlinois d’origine suédoise, sa technique scénique et sa sensibilité ont été particulièrement intéressantes. Il est également chorégraphe et dans une démarche de réflexion créative.

Le lieu d’exposition

Le Salon Karl Marx situé Karl Marx allée, non loin des lieux de mes prises de vues, au centre de Berlin-Est accueille ce projet jusqu’au 30 novembre. Cette allée devait refléter les traditions artistiques et la richesse de la nouvelle société socialiste qui se développait avec éclat au milieu du siècle dernier. Salon littéraire inaugurée en 1951, il était un lieu réputé pour les débats qui s’y sont tenus notamment dans les dernières années de la RDA.

Pouvez-vous présenter l’équipe avec laquelle vous avez réalisé cette exposition ?

Cette exposition est présentée dans le cadre du Mois OFF de La Photographie de Berlin. C’est la deuxième édition suite à son lancement en 2014, en parallèle du Mois OFF de Paris et sur demande de son organisateur Neil Atherthon.

Cet évènement est orchestré par Christel Boget et Elfi Rückert, expertes en photographie et commissaires d’expositions , qui dirigent le ParisBerlin Fotogroup présent nottament au Festival d’Arles cette année. La Galerie Westphal et Franzkowiak soutient également cette manifestation passionnante. 

Comment avez-vous eu l’idée de réaliser ce projet ?

Je poursuis un travail photographique depuis quelques années, sur les thèmes du corps in situ, sur le lien qui peut se créer entre le mouvement, l’espace du costume et celui de l’architecture. Intuitivement, l’envie d’un « non-lieu » pour des performances s’est imposée.

A l’observeration de l’architecture caractéristique de Berlin s’est ajoutée l’idée (en cours de recherche) de l’Envolée d’une chemise vers le ciel.

Voilà l’origine…

Qu’est ce qui caractérise ce projet, votre démarche ?

J’y défends l’essence de la photographie argentique, dont les caractéristiques et le processus me passionnent, à l’encontre du geste numérique qui mène selon moi à une surproduction d’images, stérilise le regard, la créativité et toute démarche émotionnelle.

Ma démarche s’inscrit dans le temps. Des heures de recherche de lieu précèdent mes prises de vues, des idées et images préexistent, mais je laisse une grande place à l’improvisation lors de ces performances et découvre alors au développement des films tout l’inattendu qui prolonge ces moments. Un autre regard sur les photographies apparaît avec du recul et prend forme au cours des semaines et mois qui suivent.

C’est ensuite lors des tirages en chambre noire où je passe de longues heures que les choix esthétiques se définissent, précédant la naissance de l’image. Une nouvelle page se déroule à chaque sortie du laboratoire. La découverte se poursuit donc bien au-delà des prises de vues…

Entre La France et l’Allemagne quel est votre point de vue sur les compétences artistiques des deux pays  dans votre domaine?

C’est une question interéssante, particulièrement avec la présence du ParisBerlin Fotogroup au cœur de l’évènement, qui représente des photographes impliqués dans ces deux pays et cultures.  Je me réfère d’avantage aux photographes allemands (tels que Candida Höfer), mais c’est un sujet vaste et précis sur lequel j’ai encore besoin de recul…

Quelles ont été les expositions réalisées qui vont ont le plus marquée au court de cette année 2016 ?

2016 a été ponctué de deux évênements. Une résidence dans un espace intéressant à Paris, qui m’a permis une pause de ma vie berlinoise. Ce lieu m’a donnée l’occasion de porter mon regard sur le milieu textile francais et comprendre ses préoccupations actuelles liées aux savoirs faires.

Le second est le Mois OFF de Berlin, j’avoue que ma participation et toute l’énergie et l’émulsion déployée par ses manifestations le long de ce mois m’émerveillent, c’est un évènement extraordinaire.

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Avez-vous eu l’occasion de travailler avec des artistes reconnus pour vous aider à réaliser vos différents projets ?

Pour la réalisation concrête de projets jusqu’à aujourd’hui non. J’en réalise chaque étape jusqu’à la présentation. Des rencontres importantes ont lieu cependant, éveillant des aspects nécessaires pour avancer. Entendre l’expérience d’un très grand scénographe, par exemple, du début de sa carrière jusqu’à son point d’orgue apporte un enseignement important. D’autres disciplines peuvent aussi se réveler complémentaires, je pense particulièrement à la rigueur « chorégraphique » transmise par un couple de typographes lors d’une démonstration de calligraphie urbaine chinoise intitulée « dischu ».

Comment trouvez-vous vos inspirations artistiques ?

Une citation y répond bien : « Le processus créatif n’est pas simple à expliquer. Les idées sont là, au milieu du labyrinthe qu’est l’esprit. De temps en temps, l’une d’elle parvient à suivre le fil d’Ariane qui mène à la sortie »(extrait de l’exposition « Double je » présentée au Palais de Tokyo en 2016)

Même si presque chaque artiste invente des choses qui existaient déjà sans le savoir, il me semble toutefois que la teinture sensible, et les éléments qui composent et caractérisent chaque projet permettent de les rendre jusqu’à unique.

En conclusion…

Un geste, tel que celui de photographier, est communication, ce qu’Antonin Artaud appelle « un signal à travers les flammes – cela implique une expérience partagée, dès que le contact est établi. »

Ces mots rejoignent mon impression et la richesse créée par l’ouverture d’une collaboration.

Liens:
www.helenerigny.com
www.monatderfotografie-off.com
www.fotografie-in.berlin
www.karlmarx-buchhandlung.com
Crédits photos:
Photographie argentique
Tirages d’origines sur Papier Baryté
Formats de 30 cm x 30 cm à 100 cm x 85 cm
 © Hélène Rigny
Propos receuillis par Benjamin Rémon avec Sean Dean 

Co-founder of infos-reportages • Photographer based in Paris •

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