Cyril THAS (DJ) : « Je n’ai jamais cessé de militer pour le métier par tous les moyens ! »
Casque et platines en main, dans les clubs avant la COVID-19 et désormais en live ou en streaming sur les réseaux sociaux, Cyril THAS nous retrace son parcours et nous apporte sa vision sur l’avenir du DJ en France malgré la crise sanitaire.
infos-reportages. – Bonjour Cyril Thas, raconte-nous ton parcours en tant que DJ ?
Cyril THAS. – J’ai un parcours atypique ; j’ai commencé en avril 1997 dans un bar de nuit, au culot, en argumentant à la patronne que je serai capable de faire mieux que ce qui était en place… Généraliste, j’ai appris à tout savoir jouer, en plaçant mes influences pop rock et électroniques. Après avoir évolué dans différents établissements, je suis arrivé en club début 2000. J’ai été résident de deux grands clubs, et j’ai quitté ma dernière résidence fin 2003. J’avais fait le tour de la question.
À cette époque, j’ai choisi d’être indépendant et sur la route, ce qui était loin d’être la norme. J’ai baroudé un peu partout, bars, clubs, soirées privées, festivals off, j’ai eu l’occasion de travailler dans quelques très belles salles, deux fois au « Liberté » de Rennes, l’Athanor à Montluçon de capacité Zénith… J’ai travaillé sur les festivals off « Art Rock » à Saint-Brieuc, les TransMusicales à Rennes, l’Interceltique à Lorient et j’ai appris à m’adapter à de nombreux publics.
En 2010, j’ai choisi de créer mon entreprise événementielle « CDJ EVENEMENTS » et j’ai continué à écumer l’Ouest de la France, ainsi que Paris et j’ai tissé des liens en Belgique.
Je ne suis pas à proprement parler un DJ exclusivement de la scène électronique mais ce sont mes influences, et je m’y intéresse énormément.
La crise sanitaire a manifestement impacté de nombreux métiers en France, celui du DJ est-il réellement touché ?
Personnellement, je ne m’y attendais pas, tout cela me paraissait lointain… Je l’ai subie le 14 mars 2020 à minuit… Y compris le 17 mars 2020 (premier confinement en France). Un an après, je n’ai jamais cessé de militer pour le métier par tous les moyens : Lives, interventions, médias, projets extérieurs… Pour moi, le métier ne peut pas mourir, il y a un mélange de passion, de besoin et d’envie. Le manque le plus fondamental est celui de l’interaction avec le public.
Selon toi, quelles solutions faut-il préconiser pour les DJ en 2021 voire en 2022 ?
Compliqué… S’il y avait une solution, je serai le premier à l’appliquer ! Pour moi, garder le lien et le contact, à défaut d’être sur scène, dans un bar, un club ou sur un festoche, c’est fondamental. Personnellement, je pense que seule la vaccination nous sortira de cette situation et nous permettra de revivre le clubbing tel qu’on l’a connu. Je pense, cela dit, que les habitudes vont changer et que de plus petits événements sont amenés à se développer. Peut-être entendra-t-on parler du retour des soirées de niche et qualitatives.
Justement, la Bretagne est-elle toujours une niche pour DJ producteur et pointures dans le domaine de l’électro ?
Évidemment, la Bretagne est une terre de fête, de talents, et la musique électronique y a toujours une place importante. Partout dans l’Ouest des collectifs se bougent, font vivre des lieux et prennent des risques financiers pour faire vivre « leur » musique.
Étant personnellement en place depuis longtemps, je vois les modes passer, mais la motivation reste intacte. Je suis moins intransigeant sur mes programmations et plus ouvert avec le temps. J’ai toujours mélangé les genres et je le revendique, mais je reste admiratif de puristes qui n’ont pas changé leur ligne d’un iota et qui militent pour tel ou tel son. Ils sont passionnants, et de voir des jeunes connaissant quasiment mieux que moi la French Touch de la fin 90’s (Ndlr : « la patte française » ou courant musical français lié à la house et la musique électronique) ça fait toujours quelque chose !
Justement, parlons des collectifs, nous souhaiterions connaître l’avenir du label Rennais Alive Prod et de Radio Activ’ ?!
Ah ! ALIVE ! Un label, une belle aventure. Dix belles années, de 2005 à 2015 environ, un acteur majeur du clubbing breton et rennais de l’époque. Les codes ont évolué, les modes aussi, le clubbing traditionnel est en pleine mutation et cette crise va encore rebattre les cartes. Le label est en sommeil actuellement, mais de nombreux talents sont toujours actifs. Affaire à suivre à la reprise ?
Radio Activ’, une autre longue aventure pour moi : Jumpin’ l’émission clubbing en direct tous les lundis de 22h00 à minuit. De 2005 à 2020, 15 ans d’émissions et autant d’invités reçus. Ça fait du monde à être passé ! Presque une génération ! Après une année 2020 difficile, les studios étant fermés à partir de mi-mars, et une courte reprise en septembre et octobre, j’ai décidé en décembre d’écrire le fin mot de cette partie de mon engagement local et radiophonique. N’étant plus d’accord avec la manière de faire en temps de crise, je réfléchis à la manière de continuer à accueillir ce réseau via d’autres supports.
Le 21 juin 2021 est le rendez-vous annuel et incontournable de la fête de la musique en France. Serait-il possible que les métropolitains puissent refaire la fête dans la rue ?
Honnêtement, c’est plié. Ce sera du live ou autre, peut être assisterons-nous à des apparitions de quelques pointures dans de beaux lieux sans public.
Enfin, que peut-on te souhaiter pour le meilleur et pour le pire ?
On commence toujours par le pire non ? Que cette crise dure au-delà de 2021… Le public me manque trop pour continuer à mixer sagement en mode « salon de thé ».
Le meilleur… Facile ! Une sono qui envoie, une belle régie, un spot, du public, des sourires et la communion, le partage, le frisson et l’extase musical !
Propos recueillis par Jonathan TESSIER et Benjamin REMON
Images : © Cyril THAS