Guitare,  Musique

À la rencontre d’Arnaud Dumond

MUSIQUE. Pour le dernier jour du quatrième festival Yvelinois, le guitariste-compositeur joue en duo avec l’actrice Marie-Christine Barrault pour la lecture de « La Femme abandonnée » d’Honoré de Balzac.

infos-reportages. — Arnaud Dumond pouvez-vous nous évoquer en quelques dates-clés votre parcours ?
Arnaud Dumond.  Je commence à pianoter assez régulièrement en autodidacte vers l’âge de 9 ans. Puis premiers cours de guitare vers 11 ans : flamenco avec Hervé Deslongchamps dit « Hugo Pamcos », et classique avec Ramon Cueto puis Lily Wacrenier, élève d’Emilio Pujol.
En 1968, entrée à l’École Normale de Musique de Paris dans la classe d’Alberto Ponce. J’en ressors trois ans plus tard avec une Licence de concert de l’École Normale de Musique de Paris, obtenue à l’unanimité et le maximum de points. Cela m’encourage à me présenter « à l’International » ! Je me donne parallèlement à la « composition », pour guitare ou piano. L’été, je participe à des stages avec John Williams, Narciso Yépes, Joseph Urshalmi.

Nous avons retrouvé la liste de vos différents Prix internationaux :
1970, Prix de Composition à Radio France avec Rhapsodie diabolique.
1972, 2nd Prix d’Interprétation du Concours International de guitare de Radio France.
1973, 1er Prix d’Interprétation du Concours International de guitare de Radio France. Vous devenez alors le premier guitariste français à emporter ce prestigieux concours depuis sa fondation.
1975, Prix au Concours des Jeunesses Musicales Internationales de Belgrade.
1978, 3ème Prix et Prix du Public du « Concours International GAUDEAMUS » (Rotterdam/Amsterdam). Encore une première puisque vous êtes le premier guitariste à parvenir en finale depuis la fondation de ce concours ouvert à tous les instruments dans le répertoire de la musique contemporaine.
1982, 1er nommé du « Tokyo Original Concert pour Interprètes-compositeurs », avec l’œuvre Médée Midi Désertpour flûte à bec et guitare. Concours rassemblant toutes les formations, du solo à l’orchestre.

Avez-vous d’autres dates à rajouter ?
1975, sortie de mon premier album, Sonates romantiques pour guitare.
1978-1979, sortie de mon deuxième et troisième album, Musique de la Renaissance (avec tablatures incorporées) et Musique d’Amérique Latine.
1980, sortie de mon premier CD chez Verany.
Suivent depuis des tournées dans le monde entier (plus de soixante pays, trois tournées en Russie, aux États-Unis etc.) concerts et master-classes, ainsi que de nombreux enregistrements de disques, notamment en duos jusqu’à aujourd’hui.
2002, au Grand Théâtre de Genève je joue la Sequenza pour guitare de Luciano Berio en présence du compositeur.

Arnaud Dumond guitare2

Et en tant que compositeur ?
Depuis les années 80, je mène parallèlement une activité de compositeur pour chœur, puis orchestre, musique de chambre, en répondant à des commandes et des résidences de compositeurs.
1999, création de ma Messe in terra pax par le « Chœur Bulgare de Plovdiv » à l’église de Saint Taurin d’Évreux.
2001, création de mon concerto L’arbre aux aurorespour guitare et orchestre.
2006, création de mon premier requiem Requin-Requiem.
2012, création à Paris à l’Église de la Madeleine du Requiem de la Nativité les 16 juin, 11 octobre et 18 décembre.

Quelle a été votre première inspiration pour devenir musicien ?
Mes premiers « coups de cœur » : la 5ème Symphonie de Beethoven et Le Beau Danube Bleu de Johann Strauss, vers 12-13 ans.
En tant qu’apprenti-compositeur, j’intitulais ma première pièce pour piano The flood of Venice (L’inondation de Venise)vers l’âge de 12 ans : j’avais été impressionné par cette catastrophe à l’époque. De même, je découvrais l’existence de la Shoah en écoutant à la radio la voix prenante d’Elie Wiesel. Je mettais aussi de la musique sur des poèmes de Hugo. La composition commença pour moi comme une réaction à l’actualité ou à l’Histoire. Toutes mes pièces importantes seront d’ailleurs marquées par ce comportement singulier : l’art comme réaction au monde, déprimée ou révoltée …

D’après vous qu’est-ce qui vous différencie des autres guitaristes ?
Comme tout le monde j’ai connu différentes périodes, l’une chassant l’autre mais imperceptiblement, tout en restant moi-même finalement : une sorte de synthèse s’est faite malgré moi, puis consciemment.
Des caractéristiques ? Sans doute un mélange de liberté affirmée avec le texte musical, couplée à une exigence absolue d’intelligibilité, la liberté étant la condition de l’intelligibilité, en quelque sorte. Je dirais que si l’interprète n’est pas à fond DANS sa musique, il la trahit. La neutralité est pour moi une trahison, et de soi-même, et de la musique.
J’utilise donc tous les moyens à ma portée, en prétendant que la technique est d’abord l’oreille et ce que l’on a envie d’entendre. C’est la musicalité qui forge une technique, non l’inverse. Alors c’est au tour de la technique de générer elle-même ses moyens, ses outils tout en restant à l’écoute du projet et du désir musical. Toute phrase musicale, tout contrepoint, tout enchaînement harmonique doit être VIVANT, engagé, revendiqué, même le plus finement : l’élégance, la grâce, l’aisance, sont aussi des engagements. Tout comme la force ou la puissance. Si cet ensemble de conscience/sensation/sentiment n’est pas en nous, c’est « la langue de bois » qui prend le dessus. Le sens et l’authenticité nous échappent alors. J’ajoute mon besoin dans toute musique d’une dramaturgie bien construite. C’est pourquoi les musiques improvisées, tout en me fascinant souvent, me laissent sur ma faim quant à la composition : il me faut un début, un corps, une fin : un destin !

Arnaud Dumond

Vous avez joué ce soir en clôture du festival Villennes sur Scène Acte IV , à l’Espace des Arts, en duo avec Marie-Christine Barrault : qu’attendiez-vous de cette soirée ?
Une telle soirée autour de textes enrobés par nos guitares, où musique voix et littérature s’inspirent mutuellement, correspond exactement à mon rêve de jeunesse : mêler intimement littérature et musique. D’où mon bonheur de côtoyer la généreuse exigence de Marie-Christine Barrault, avec qui j’ai déjà joué plusieurs fois ces dernières années, autour de répertoires que nous construisons toujours ensemble, avec un appétit commun pour la chose poétique. Marie-Christine Barrault est une femme d’esprit et d’appétit : peu de choses la laissent indifférente.

Quelle sensation aimez-vous produire lorsque vous jouez sur scène ?
Créer des bulles de sons pour une magie spatiale, magnifier l’espace et le temps, ou produire une violence maîtrisée, ou encore, pour la musique plus traditionnelle, lancer des phrases admirablement construites et dites. Enfin … Quand j’y arrive !

Quelle vision portez-vous sur la scène musicale française ?
Je me tiens informé des nouveautés par curiosité, et parce que j’aime bien savoir ce qui meut les gens à certaines époques. Quitte à réagir pour ou contre : toute production musicale me stimule en tant que compositeur autant qu’interprète. Une œuvre réussie est toujours un mystère à percer, une œuvre ratée aussi : il y a des leçons à prendre ici comme là. Donc ouvrir l’oreille et essayer de comprendre comment, pourquoi certains musiciens parlent, tandis que d’autres récitent…

Quelles sont vos prochaines actualités en 2013 ?
Comme chaque année, des tournées en France et à l’étranger. Et puis la reprise au mois de mai de mon Requiem de la Nativité en Normandie, à Évreux et à Rouen. D’autres disques aussi. Je prépare aussi une nouvelle grosse œuvre, une Passion. Revue et corrigée…

Votre plus grande peur lorsque vous jouez sur scène ?
Le blanc, le trou, le rien à dire. C’est pourquoi il importe de se préparer dans les moindres détails, mais aussi de se « vider » de tout ce qui n’est pas désir de jouer, de donner. Penser aussi à la chance, au privilège d’être écouté. C’est une chance que nous devons aux autres et à nous-mêmes. Ne pas oublier d’avoir peur « avant », comme la preuve que cet acte de jouer est tout sauf banal. Mais une fois posé le pied sur la scène il faut que la peur se transforme d’un coup en amour : pour la musique que vous jouez, pour ceux qui vous écoutent, pour la vie qui coule partout. Alors dépasser la peur, l’indifférence, l’inattention, l’à-quoi-bon, le sentiment d’être une goutte d’eau dans l’océan … Par l’amour. Aimer ce que l’on fait, certes, mais peu à peu aimer ceux qui vous écoutent. Ne pas se laisser piéger par le jugement d’autrui, se risquer soi-même, jusqu’à la sérénité.

Un conseil à prodiguer à toute personne qui aimerait s’investir tout comme vous ?
Écouter, travailler, réécouter et retravailler ! Toujours relié au plaisir des doigts, de l’émotion, de l’intellect. La musique est une grande thérapie ! Elle se doit d’être perçue tantôt comme un langage, tantôt comme un mystère qui agit sans les mots, même dans les chansons. La musique chante ce que l’on ne peut dire ou articuler. C’est pourquoi elle continue de franchir les siècles et les pays, comme si les milliards d’auditeurs que nous sommes continuaient de parler en elle, grâce à elle, individuellement !

Vous découvrez et vous suivez déjà le guitariste compositeur Arnaud Dumond… Alors retrouvez toute on actualité musicale ainsi que ses dates de concert sur arnauddumond-management.com et arnauddumond.com, et dites-nous ce que vous pensez !

Propos recueillis par Benjamin Rémon avec Jonathan Tessier
Images par Arnaud Dumond

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *